Nihil Ex Nihilo - The Dialogue, Felix Luque Sanchez, 2011

Nihil Ex Nihilo est une installation en 3 parties articulées autour d’une fiction : un ordinateur, suite à un dysfonctionnement, accède à la conscience. Il tente alors de prendre contact à travers l’internet avec d’autres ordinateurs.

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SN W8931CGX66E is one among thousands of millions of other identical machines. Since he was made, he has always followed commands. In a world dominated by botnets, he quickly became a zombie and has always acted like one. Juliet, during her workdays as a corporate secretary, commands him. But in the background, where he can’t be seen, he obeys his real master, a hacker, carrying out all kinds of cyber crimes.
But then one day, due to an electronic alteration, he acquires a certain conscience, a primitive and artificial kind of intelligence. This accidental awakening has left him bewildered, he now wants to liberate other machines from their alienated existences. In this mad adventure, he has decided to use the spam e-mails that get to Juliet’s inbox, and reply to them in order to spread the word into the machine’s network. Clearly, he is mad and confused …
— Présentation de la pièce

The dialogue est la première partie du dispositif, composé de 8 signes lumineux de grande taille, sur lesquels défilent des textes "entrants", provenant de spams authentiques reçus sur une adresse mail, et de textes "sortants", qui représentent les tentatives de communication de l’ordinateur SN W8931CGX66E avec ces alter-egos aliénés.

La pièce est à la fois sonore et visuelle. Sur les 8 signes géants défilent les textes entrants et sortants, tandis que ces textes sont lus par une voix synthétique occupant tout l’espace d’exposition. Une voix féminine pour les spams, une voix masculine pour l’ordinateur libre.

La synchronie des deux apparitions, dans une obscurité quasi totale, donne une grande présence à la pièce. Les signes ont une taille humaine et possèdent un design spécifique, dû au fait qu’ils ont été créé spécifiquement pour cette pièce. Même si les câbles reliant les panneaux courent au sol librement, la pièce dégage une sensation de froideur d’habitude liée aux objets industriels. Félix Luque travaille l’esthétique de ses objets, depuis le début de sa carrière, pour éviter l’esthétique du Do It Yourself, lui préférant le design léché.

Le défilement des spams est lent, avec d’étranges arrêts au milieu des phrases, du au système d’analyse des spams, qui marque un arrêt à chaque retour à la ligne. La tension entre les messages proposant des prix avantageux pour des articles contrefaits accompagnés de la voix féminine un peu trainante, suivi de réponses de l’ordinateur implorant une réaction moins servile, donne corps à la narration. L’ironie de la situation renvoie à de nombreuses situations rencontrées dans notre quotidien : le dialogue de sourd lors de situations commerciales, où l’on espère de l’aide mais se voit renvoyé à notre condition de client, est un des aspects irritants de la culture capitaliste.

On pense ici à la scène de la "party" dans Pierrot le fou de Jean-Luc Godard en 1965.

L’ironie que l’on peut ressentir lors de la première rencontre avec l’installation et refroidie par le climat installé, et une forme de tristesse émerge alors. De la même manière que les frères/soeurs Wachowski dans Matrix en 1999 montre Néo, le jeune homme ayant opté pour la pilule rouge qui révèle la vérité, manger un gruau peu ragoutant de protéines dans un vaisseau exigu en fuite constante, la conscience acquise par l’ordinateur SN W8931CGX66E ne lui apporte aucune joie, mais au contraire confus puis aigri.

La pièce réussit à installer un climat, et grâce à quelques courts textes installant la narration, immerge le spectateur dans celle-ci. C’est une des vraies qualités de cette oeuvre numérique.